Harcèlement sexuel : exemples de situations en entreprise, témoignant de sa complexité

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« Entre oui et presque oui, il y a tout un monde ». Ce constat d’Alfred de Musset pourrait résumer à lui seul la délicate mission de l’employeur dans le cadre d’un signalement pour harcèlement sexuel.

Dans cette hypothèse, l’employeur a en effet le plus souvent tendance à adopter une attitude particulièrement rigoureuse notamment par la mise à pied conservatoire du ou de la salarié(e) incriminé(e) par les faits de harcèlement sexuel.

Cette réaction, justifiée notamment par l’obligation renforcée de sécurité qui pèse sur l’employeur, ne doit pas occulter que le « harceleur » ne peut être considéré comme tel qu’à l’issue d’une enquête minutieuse et objective, visant à faire toute la lumière sur les faits et à éliminer toute incertitude.

L’importance de mener une enquête harcèlement sexuel objective

Il convient en effet de garder en tête qu’une accusation de faits de harcèlement sexuel qui serait mal fondée mais néanmoins soutenue par l’employeur, peut briser une carrière professionnelle voire porter gravement à la vie personnelle du salarié qui se retrouverait accusé à tort, d’autant que l’employeur dispose un délai restreint pour agir en matière de procédure disciplinaire…

Dans un contexte de gestion sociale qui s’avère souvent complexe, l’employeur doit mettre en place une enquête interne approfondie, conduite sans préjugés, et dans le but de faire toute la lumière dans le cadre de la procédure disciplinaire. 

Deux cas illustrent parfaitement à notre sens cette difficulté de mener une enquête objective.

Harcèlement sexuel exemple 1 : salarié accusé à tort ?

Le premier exemple de harcèlement sexuel présumé concerne un signalement pour des faits de harcèlements sexuels ayant eu lieu à l’occasion d’un – séminaire à l’étranger. La salariée soutenait avoir fait l’objet de gestes déplacés de la part de l’un de ses collègues lors d’un déplacement en taxi, après une soirée réunissant l’ensemble des salariés commerciaux de la société et de certaines de ses filiales.

A l’appui de sa déclaration particulièrement détaillée et convaincante au premier abord, la salariée expliquait notamment que son collègue avait quitté le séminaire précipitamment pour revenir en France, ne souhaitant pas à l’évidence être confronté à sa victime.

Juridiquement et moralement incité à agir rapidement, l’employeur subissait par ailleurs une pression sociale supplémentaire : à la suite de ce signalement, l’ensemble des collègues féminines du salarié avait en effet décidé de ralentir la cadence de travail afin de manifester leur soutien à la potentielle victime.

A la suite de la mise à pied conservatoire du salarié, l’employeur mettait en place une enquête particulièrement approfondie : recueil des témoignages des autres salariés, analyse des photos de la soirée, vérification du parcours professionnel du salarié, prise de contact avec la société de taxis, écoute du salarié sur les motivations de son retour précipité en France, prise de contact avec les filiales pour effectuer également une enquête interne, etc. 

Contre toute attente, le résultat de cette enquête mettra en évidence des contradictions et incohérences dans le témoignage de la potentielle victime, sans que cette dernière ne puisse d’ailleurs en justifier, ainsi qu’une absence totale d’éléments matériels à l’encontre du salarié. 

Dans un contexte social particulièrement tendu, l’employeur décida toutefois de clôturer cette enquête interne en concluant à l’absence de harcèlement sexuel ce dont il informa les salariés incriminés ainsi que les représentants du personnel.

Harcèlement sexuel exemple 2 : la complexité de qualifier des faits de harcèlement sexuel 

Le second exemple de harcèlement sexuel présumé concerne également un voyage professionnel au cours duquel un salarié aurait tenu des propos inappropriés et fait des avances de nature sexuelle à une salariée, qui se trouvait être sa subordonnée hiérarchique par ailleurs.

Lors de l’enquête interne, le salarié reconnaissait les faits tout en se défendant de toute accusation de harcèlement sexuel, expliquant avoir eu un « coup de cœur » pour sa collaboratrice et avoir tenté de la séduire, fort maladroitement selon lui mais sans aucune intention d’être perçu comme insistant voire agressif. Le salarié soulignait par ailleurs le fait que la salariée avait accepté de dîner avec lui après son comportement inapproprié, estimant que cela démontrait un « non-événement ».

La salariée expliquait de son coté avoir été choquée par les propositions du salarié tout en ne considérant pas que lesdites propositions étaient du harcèlement sexuel mais des « actes déplacés ». Concernant le fait de dîner avec le salarié, la salariée expliquait avoir souhaité effacer cet incident le plus rapidement possible de son esprit et conserver une relation professionnelle fluide.

Toute la difficulté pour l’employeur résidait dans le fait de ne pouvoir s’appuyer sur aucun élément extérieur, les faits s’étant déroulés au sein de l’une des chambres d’hôtel réservées dans le cadre du voyage d’affaires.

Le salarié a finalement été licencié pour comportement managérial inadapté, l’employeur ne souhaitant pas « s’enfermer » dans la définition trop restrictive du harcèlement sexuel. La société a considéré qu’elle devait agir notamment au sein du principe d’exemplarité attendu de tout manager, au risque de voir le licenciement invalidé devant une juridiction prud’homale au vu de la faiblesse des preuves.

Quelles leçons retenir de ces deux exemples de harcèlement sexuel ?

L’employeur doit se méfier des certitudes : même en présence de faits qui semblent avérés au premier abord, il est nécessaire de mener une enquête interne approfondie et objective en association avec les représentants du personnel. Aucune décision de licenciement ne peut intervenir sans cette étape préalable.

Dans l’hypothèse où l’enquête interne ne pourrait aboutir qu’à une conclusion « grise » notamment à cause d’une absence matérielle de preuves (absence de témoins, preuves détruites, etc.), l’employeur aura tendance à procéder tout de même au licenciement du salarié soupçonné afin notamment de « ramener le calme » au sein de la société. Rappelons toutefois que le Conseils de Prud’hommes sanctionnent systématiquement, en toute logique d’un strict point de vue juridique, les employeurs ayant procédé au licenciement du salarié harceleur sur des bases matérielles trop fragiles ou insuffisamment étayées par les enquêtes internes.

Barbara Hart et Mathieu Combarnous, Sésame Avocats

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