Prescription harcèlement sexuel en matière disciplinaire : quel délai pour agir ?

Face à une suspicion de harcèlement sexuel, les enjeux de responsabilité pour l’employeur sont lourds. En effet, il pèse sur la société une obligation de préserver la santé physique et mentale de ses salariés. L’employeur doit donc réagir sans délai dès qu’une situation de harcèlement sexuel lui est signalée. Si les faits sont avérés, il doit mettre un terme au harcèlement et, le cas échéant, sanctionner le salarié responsable, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave en engageant une procédure disciplinaire.
Contrairement au délit de harcèlement sexuel, sanctionné au pénal, la procédure disciplinaire interne se prescrit beaucoup plus rapidement, et l’employeur doit donc agir avec diligence.
Les délais pour engager une procédure disciplinaire
L’employeur doit agir promptement, car le temps est compté pour sanctionner le salarié présumé auteur des agissements. Selon l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.
Passé ce délai, faute d’avoir initié la procédure disciplinaire, les faits de harcèlement sur lesquels reposerait un licenciement pour faute grave seraient considérés comme prescrits. Toute sanction disciplinaire prononcée après ce délai pourrait être annulée par le juge. Ainsi, le respect des délais représente un enjeu crucial pour l’employeur.
Point de départ de la prescription
Le délai de deux mois commence à courir lorsque l’employeur est pleinement informé de la réalité des faits de harcèlement sexuel allégués.
Dans certains cas, le délai commence dès le premier signalement, par exemple via un email d’un salarié victime ou témoin, à condition que les informations soient suffisamment détaillées pour permettre à l’employeur de mesurer la gravité et l’ampleur des faits (Cour de Cassation, 26 novembre 1996, 94-40.511).
À l’inverse, si l’employeur ne dispose pas immédiatement de suffisamment d’éléments et doit diligenter une enquête, le délai de deux mois pourra commencer à courir à partir du compte-rendu de l’enquête qui établit la véracité des faits (Cour d'appel de Paris, 2 avril 2019). Cette enquête doit être conduite de bonne foi et de manière impartiale, faute de quoi la situation de harcèlement ne pourra pas être validement établie (Cour d'appel de Versailles, 17 septembre 2009, n° 08/02907).
Conseils pratiques pour éviter la prescription
Pour limiter le risque que les faits soient considérés comme prescrits, l’employeur doit initier une enquête dès que la situation est portée à sa connaissance, notamment par email. Il est crucial de sécuriser l’engagement d’une procédure disciplinaire dans le délai légal de deux mois.
Ce délai permet d’engager la procédure, et non de prononcer immédiatement une sanction. Il s’agit par exemple de convoquer le salarié présumé auteur à un entretien préalable, éventuellement assorti d’une mise à pied conservatoire le temps de la procédure. La date d’envoi de cette convocation marque l’interruption du délai de prescription (CE 12 févr. 1990, RJS 1990. 243, n° 325).
L’employeur doit également agir avec circonspection. Il doit réagir rapidement sans compromettre la qualité de l’enquête, afin de ne pas s’exposer à une contestation future.
L’importance de prouver rapidement les faits
Une enquête minutieuse, conduite sans parti pris, est essentielle pour confirmer ou infirmer les faits de harcèlement. Un licenciement basé sur une enquête insuffisante ou tardive peut être considéré comme sans cause réelle ni sérieuse par les prud’hommes.
La jurisprudence le rappelle : en l’absence d’enquête ou si la procédure de licenciement est mise en œuvre tardivement, le licenciement peut être annulé (Cour de cassation, 29 juin 2011, 09-70.902). La collecte de preuves objectives et impartiales est donc un élément central pour sécuriser la sanction disciplinaire.
Mettre en place un processus d’enquête anticipé
Pour gérer efficacement ces situations délicates, il est conseillé de préparer un process d’enquête à froid, avant toute crise. Cela implique :
- Déterminer les modalités de recueil des témoignages.
- Identifier les acteurs impliqués : référent, membre du CHSCT ou du CSE, représentant de la direction, médecin du travail, etc.
- Prévoir le recours à un expert ou un conseil spécialisé dans l’accompagnement de ces situations.
- Rappeler clairement le rôle de chaque acteur au sein de la procédure.
Cette anticipation permet à l’employeur de concilier rapidité et rigueur, de sécuriser la gestion des situations de harcèlement sexuel et de respecter les délais légaux. Un processus structuré est ainsi un outil indispensable pour protéger les salariés et limiter les risques juridiques pour l’entreprise.



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