Identifier les symptômes du bore out pour agir avant qu’il ne soit trop tard

71 % des Français estiment avoir un emploi ennuyeux, voire « très ennuyeux » pour 33 % d’entre eux (*enquête réalisée en février 2022 par l’agence d’intérim Qapa, auprès de 4,5 millions de candidats sur le sujet de l’ennui au travail). Ce constat interpelle : loin d’être un simple caprice passager, l’ennui au travail peut devenir un véritable enjeu pour la santé mentale et la performance collective.

Le bore out, ce fameux vide professionnel qui épuise sans bruit, touche de nombreux salariés et fragilise les équipes. Mais bonne nouvelle : loin d’être une fatalité, il peut se prévenir et se transformer en énergie positive pour le collectif.

Pour les DRH, managers et équipes, savoir repérer les signaux d’alerte est la première étape pour redonner du sens aux missions, stimuler la motivation et créer un environnement où chacun se sent utile et impliqué.

« Le terme de Bore Out est employé par contraste avec celui de Burn Out pour évoquer l’ennuie ou la perte de sens dans l’exercice de son travail (sur ce dernier point, il existe même un terme spécifique le Brown Out). Dans les trois cas c’est de souffrance au travail dont s’agit. La symptomatologie peut se confondre : démotivation, difficulté de concentration, douleurs physiques (mal de dos, de ventre), problèmes de sommeil, procrastination ou oublis, signe d’anxiété ou de stress, pleurs, tristesse, etc. Les signaux qui devraient alerter un manager « suffisamment bon » sont : les changements de comportements et d’humeur, l’isolement voire la mise à l’écart avec le collectif de travail, l’inquiétude des collègues et leur question, les absences pour arrêt maladie. A noter qu’un salarié inscrit dans une spirale de Bore Out n’a pas les capacités psychiques pour rechercher un autre travail et quitter l’organisation ce qui paraît souvent paradoxal. C’est pourquoi les situations s’enlisent. Le salarié étant atteint dans l’estime de soi va douter de ses compétences et de son utilité professionnelle : Pourquoi ne me donne-t-on pas plus de travail ? Pourquoi on ne m’utilise pas plus efficacement ? Ces questions mettent en doute et enrayent l’auto-appréciation de soi. »

‍Clélia Sacadura, Psychologue du travail chez Qualisocial

Bore out en milieu professionnel : ce mal discret mais puissant

Le bore out, c’est ce petit vide qui s’installe doucement au travail quand on n’a plus grand-chose à faire. Pas parce qu’on manque de motivation ou qu’on est paresseux, loin de là ! Mais parce que le job ne propose plus de défis, qu’on tourne en rond et qu’on ne peut pas vraiment utiliser nos compétences. Ce vide, parfois invisible, finit par peser et créer un vrai mal-être.

Contrairement au burn-out, souvent lié au stress et à la surcharge, le bore out, lui, est la conséquence d’un « trop peu » : trop peu de travail stimulant, trop peu de reconnaissance, trop peu de sens. C’est un peu comme être présent physiquement sans être vraiment investi émotionnellement.

Et ce n’est pas un phénomène rare : selon le baromètre du cabinet Ignition Program, avril 2023, près de 40 % des salariés français ressentent un désengagement mental ou émotionnel élevé au travail. Même si tous ne vivent pas un bore out à proprement parler, on estime qu’environ 30 % des salariés y font face à un moment de leur carrière.

Ces chiffres ne sont pas là pour faire peur, mais pour rappeler que ce vide professionnel fragilise autant l’individu que le collectif. Agir sur le bore out, c’est préserver l’énergie de chacun, stimuler la motivation et créer un environnement où le travail redevient stimulant et épanouissant pour tous.

Les causes et symptômes du bore out au travail : comprendre pour mieux agir

Le bore out ne tombe pas du ciel. Il s’installe quand le travail ne stimule plus, lorsque les missions deviennent répétitives, mécaniques ou trop peu nombreuses, et que les collaborateurs n’ont pas la liberté d’innover ou de prendre des initiatives. Sans défis ni opportunités, le travail perd de son sens, et la motivation décline. Le manque de perspectives et de reconnaissance renforce ce vide et finit par créer une perte de sens durable.

Souvent, l’organisation elle-même joue un rôle clé : management rigide, tâches mal réparties, valorisation insuffisante des talents, absence de retours positifs… Même un poste potentiellement intéressant peut se transformer en routine frustrante si ces facteurs persistent. Les collaborateurs peuvent alors ressentir que leurs compétences et leur énergie ne sont pas utilisées à leur juste valeur.

Ces situations laissent des traces visibles dans le quotidien des collaborateurs. Repérer ces signes tôt est essentiel pour agir contre le bore out et redonner du sens au travail. Parmi les signaux les plus fréquents :

• Perte d’élan et désengagement : le collaborateur semble moins impliqué, procrastine ou se retire des échanges d’équipe. Par exemple, il peut ignorer les réunions non obligatoires ou refuser de prendre des initiatives sur de nouveaux projets. La fatigue mentale se fait sentir et impacte directement la qualité du travail.
• Fatigue physique et signes liés au stress discret : troubles du sommeil, maux de tête, tensions musculaires… autant de manifestations de l’ennui prolongé. Même si elles sont subtiles, elles traduisent une surcharge invisible de stress émotionnel.
• Baisse de performance : tâches réalisées plus lentement, qualité du travail en baisse, erreurs plus fréquentes. Un collaborateur peut finir ses missions, mais avec un sentiment de vide et un manque d’implication dans les détails.
• Absentéisme et retrait progressif : retards répétés, augmentation des jours d’absence, moins d’implication dans les projets collectifs et interactions limitées avec l’équipe.
• Perte de sens : sentiment que le travail n’apporte pas de valeur, difficulté à comprendre son rôle ou son impact dans l’équipe et l’entreprise.

Ces signes traduisent un désengagement progressif, qui peut fragiliser autant l’individu que l’équipe. Pour les RH et managers, les détecter tôt est une véritable opportunité : réorganiser les missions, stimuler l’autonomie, valoriser les compétences et redonner du sens au travail.

Pourquoi agir pour prévenir le bore out est vital… pour l’entreprise comme pour les salariés

Le bore out ne se limite pas à un ressenti individuel : ses effets résonnent à l’échelle de l’entreprise. Quand des collaborateurs se sentent sous-stimulés ou déconnectés de leur travail, cela se traduit par une baisse de productivité, des erreurs plus fréquentes et un absentéisme croissant. Mais l’impact va bien au-delà : le désengagement d’un salarié peut créer un effet domino, affectant l’énergie, la motivation et la créativité de toute l’équipe, et érodant peu à peu le climat social. Selon le baromètre Ignition Program d’avril 2023, près de 40 % des salariés français ressentent un stress ou un désengagement mental élevé, ce qui illustre l’ampleur du phénomène et le coût réel pour les entreprises.

Heureusement, agir en prévention transforme ce risque en véritable opportunité. En réorganisant les missions pour qu’elles soient plus variées, en stimulant l’autonomie et en valorisant les compétences, les organisations peuvent redonner du sens au travail et raviver l’énergie des collaborateurs. Ce faisant, elles renforcent non seulement la cohésion d’équipe, mais aussi l’engagement collectif, la créativité et la performance. Prévenir le bore out devient alors un levier stratégique : il protège le bien-être des salariés tout en favorisant un environnement de travail stimulant et épanouissant, où chacun retrouve sa motivation et son plaisir à contribuer.

« Un manager peut veiller aux points suivants :
- Une répartition claire des tâches et des périmètres de responsabilité : Le fait de savoir avec lisibilité son rôle dans l’organisation, les tâches à accomplir, les limites d’autonomie pour les réaliser favorise un espace d’expression claire pour le salarié et augmente le sentiment d’avoir une place utile et reconnue au sein de l’organisation
- Des missions adaptées aux compétences et aux perspectives de carrière : Une adéquation entre les besoins de l’organisation et les motivations personnelles, les expertises, les zones de talents, voire les formations de chaque salarié réduit le risque de Bore Out. “Faire faire tout et n’importe quoi à n’importe qui” ne permet pas l’épanouissement au travail.
- Un suivi de la charge de travail et de sa répartition équilibrée au sein d’une équipe : Maintenir un niveau de connaissance précis sur la charge de travail de chacun au sein d’une équipe permet de réguler et d’ajuster la quantité de travail entre ses membres, cela permet aussi de valoriser les réalisations et de reconnaître le travail accompli.
- Une proximité managériale et un intérêt sincère pour le travail réalisé : L’organisation régulière de réunions d’équipe d’une part et de points d’échanges individuels d’autre part sont des moments essentiels pour éviter qu’une situation de Bore Out ne passe inaperçue. Il serait dommage d’attendre l’entretien annuel pour découvrir que son salarié s’ennuie. »

‍Clélia Sacadura, Psychologue du travail chez Qualisocial

Bore out : des solutions concrètes pour prévenir et vaincre l’ennui au travail

Agir contre le bore out, c’est avant tout créer un environnement où les collaborateurs se sentent stimulés, utiles et reconnus. Le point de départ consiste souvent à mettre en place un management participatif et bienveillant, qui valorise l’autonomie et encourage la prise d’initiative. Réorganiser les tâches pour les rendre plus variées et donner du sens à chaque mission permet de rompre la monotonie et de stimuler la motivation.

La détection précoce est également essentielle. Des outils simples, comme des auto-diagnostics réguliers, des entretiens individuels ou des feedbacks collectifs, aident à identifier rapidement les signes de désengagement avant qu’ils ne deviennent problématiques. À cela s’ajoutent des formations et un accompagnement personnalisés, qui redonnent du dynamisme et soutiennent le développement des compétences. Enfin, la création d’espaces de parole ouverts permet de lever les tabous, d’améliorer le dialogue autour du bore out et de renforcer la cohésion d’équipe.

Parmi les actions concrètes à mettre en place :

• Favoriser l’autonomie et la prise d’initiative dans les missions quotidiennes ;
• Réorganiser les tâches pour plus de diversité et de sens ;
• Mettre en place des outils de détection précoce : auto-diagnostics, entretiens réguliers, feedbacks collectifs ;
• Former et accompagner les collaborateurs pour redynamiser leur motivation et leurs compétences ;
• Créer des espaces de parole ouverts pour discuter librement du bore out et renforcer la cohésion d’équipe.

Quels bénéfices concrets tire une organisation d’un accompagnement psychologique adapté ?

« Un salarié démotivé au-delà d’affecter sa propre santé va impacter négativement l’ambiance et la dynamique collective de travail. Par ailleurs, un employeur est responsable de préserver la santé et la sécurité de ses salariés, ainsi que de leur fournir du travail et de les intégrer au fonctionnement global de l’organisation. »

Clélia Sacadura,Psychologue du travail chez Qualisocial

Le bore out n’est ni une fatalité ni un problème individuel isolé : c’est un signal précieux pour l’entreprise, un indicateur que certaines missions, pratiques ou organisations peuvent être réévaluées. En détectant les causes, en repérant les signes et en mettant en place des solutions concrètes, les RH et managers transforment ce risque en opportunité de performance et de bien-être. Prévenir le bore out, c’est redonner du sens au travail, stimuler l’énergie collective et créer un environnement où chacun peut s’épanouir, contribuer pleinement et retrouver la motivation au quotidien.