Réorganisations post-COVID : 5 points clés pour comprendre leur impact psychosocial
A l’heure où j’écris ces lignes, le FMI a annoncé prévoir la pire récession mondiale depuis les années 30 pour 2020 : de 3% à 6% de repli du PIB, plus de 7% pour les pays développés. En France, la situation est critique, alors que le pays a été l’un des premiers touchés après la Chine, le gouvernement prévoit une récession du PIB de 8%, soit juste au dessus de la moyenne des pays développés.
Ces chiffres, s’ils peuvent paraître immatériels pour beaucoup, ont une réelle signification et sont malheureusement la traduction d’une très mauvaise santé financière des entreprises. Par voie de conséquence, de nombreuses procédures de réorganisation verront le jour dans les mois et années à venir avec des licenciements économiques à la clé sous forme de plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou de plans de départs volontaires (PDV). L’annonce d’Airbus concernant ses travaux sur un plan de restructuration de 10% de ses effectifs n’en est qu’un avant-goût.
Réorganisation post-covid : les restructurations ont un impact direct sur la santé des collaborateurs
Le travail a une influence déterminante sur la santé des individus. Pendant les phases de changement organisationnel, la santé des salariés peut être mise en danger. Selon le rapport HIRES , une référence en la matière, les restructurations, parce qu’elles impliquent des changements futurs avec l’incertitude que cela comporte, se traduisent principalement par un sentiment d’insécurité pouvant impacter la santé des salariés.
Plus particulièrement, les salariés confrontés à un projet de restructuration sont principalement exposés à 4 familles de facteurs de risques :
- Les facteurs en lien avec l’insécurité économique, pouvant générer des craintes et des incertitudes chez le collaborateur
- Les facteurs en lien avec le sentiment d’utilité sociale : travail inutile, perte de sens et sous-utilisation des compétences
- Les facteurs en lien avec les rapports sociaux, ayant des impacts sur l’entraide, le soutien, la reconnaissance et les exigences émotionnelles
- Les facteurs en lien avec l’intensité et la complexité du travail. Les restructurations occasionnent des reports de charge sur les collaborateurs avec des changements de façon de travailler.
L’exposition à ces facteurs de risques, si elle n’est pas prise en charge, peut conduire à des manifestations d’un mal-être suivantes :
- psychiques : inquiétude, anxiété, honte, baisse de l’estime de soi, peur, culpabilité, dépression
- comportementales : isolement, hyperactivité, démotivation, conduites addictives, conduites à risque (agressivité, perte de contrôle de soi, tentatives de suicide).
Avoir un plan d’action qui prévient les risques à tous les niveaux est primordial
La prévention de tout risque est organisé en trois niveaux :
• la prévention primaire dont le but est d’éliminer ou de réduire les facteurs de risque à leur origine
• la prévention secondaire qui consiste à modérer les effets des facteurs de risque en aidant les individus à développer des connaissances et des savoir-faire pour mieux les prévenir
• la prévention tertiaire dont le but est, une fois le risque survenu, d’accompagner les salariés en difficulté en mettant en place un dispositif de suivi et d’accompagnement.
Il est indispensable, dans son plan de prévention des risques psychosociaux.
Comment faire de la prévention primaire pour limiter les risques générés par une réorganisation post-Covid ?
Éliminer ou réduire les facteurs de risque généré par une restructuration reviendrait, dans le meilleur des cas, à simplement annuler le projet. De cette manière, plus d’anxiété sur l’avenir, plus de complexité et l’intensité dans la manière de s’organiser, … Évidemment, cette solution n’est pas viable et l’action de prévention primaire revient surtout à limiter les craintes envers l’avenir que la restructuration occasionne et à éviter ses effets négatifs. En cela, nous pouvons :
- Donner de la visibilité sur l’avenir économique des salariés. En cela, les actions d’outplacement offertes par des cabinets comme LHH constituent le meilleur moyen connu.
- Limiter les risques de surcharge et de complexification du travail. Les études d’impact réalisées en amont ou juste après l’annonce permettent d’anticiper les potentiels risques sur le travail.
- Limiter la perte de sens et du sentiment d’inutilité susceptible d’être perçu par les salariés. La communication interne, axé sur des messages de reconnaissance et de valorisation des effectifs est la meilleure méthode que nous avons pu observer. Un coaching préparatoire et une sensibilisation des managers de projet à la prévention des RPS en restructuration est un bon moyen pour y arriver.
- Favoriser le lien social durant tout le processus de restructuration. Il convient d’animer sa communauté afin d’éviter un effet de délitement des rapports sociaux.
Au-delà de mettre en œuvre ces mesures, il convient de les valoriser comme des mesures qui contribuent à prévenir les risques psychosociaux. A titre d’exemple, le cas Amazon, et sa condamnation pour manque d’évaluation des risques face au COVID-19, relevait plus d’un manque de valorisation des actions menées qu’une absence réelle d’évaluation.
Réorganisation post-Covid : l’information et la formation des collaborateurs à la prévention des RPS reste le meilleur moyen de faire de la prévention secondaire efficace
On n’est jamais mieux préparé face à un risque que lorsqu’on le maîtrise. C’est pour cela qu’il convient d’informer et de sensibiliser les collaborateurs sur l’existence des risques psychosociaux occasionnés par une réorganisation dans le contexte post-covid. Ces actions passent par :
- des événements qui favorisent le lien social, permettent à la direction de communiquer en direct aux salariés et qui sensibilisent les collaborateurs sur les risques auxquels ils sont confrontés ;
- des campagnes papier et digital de sensibilisation. Chez QualiSocial, nous préconisons des actions dynamiques en nous inspirant des actions menées par l’INRS.
Au delà de la sensibilisation, nous constatons que les managers disposent d’un levier majeur pour réduire les risques psychosociaux et améliorer la qualité de vie au travail des salariés. Une formation dédiée leur permet d’adapter leur pratique, de se sentir meilleur face à la crise et d’aider leurs collaborateurs. La formation doit prévoir, sous forme d’exercices :
- une parfaite compréhension des RPS en phase de restructuration ;
- la capacité de détecter les situations à risque et d’agir ;
- la maîtrise des relais vers lesquels orienter une situation détectée ;
- la pratique des techniques managériales qui favorisent la QVT.
Un ensemble de mesures pour réduire l’impact des RPS sur la santé des collaborateurs une fois le trouble arrivé
Malgré toutes les actions qui seront menées, l’entreprise ne pourra jamais éviter des situations de stress, d’anxiété ou encore de tendances dépressives suite à une restructuration, tout particulièrement dans un contexte de réorganisation post-covid. Pour cette raison, il est fondamental de prévoir des ressources afin de limiter l’impact de la situation sur la santé des collaborateurs. Au-delà des ressources déjà existantes telles que la médecine du travail, il est important de prévoir:
- un service d’écoute et d’accompagnement psychologique externe
- la présence d’un psychologue sur site
- des groupes de parole
Ces ressources peuvent être étendues aux familles des salariés sur des situations particulières.
Un plan de prévention dédié qui prévoit un ensemble de mesures est nécessaire lors d’un projet de restructuration
Le rapport de l’HIRES (Health In REStructuring) est toujours très actuel malgré le fait qu’il date de 2009. Au-delà des enjeux de santé pour les salariés, face aux obligations de l’employeur en matière de prévention des risques sur la santé et la sécurité des salariés, il est absolument nécessaire de dédier un plan de prévention des risques psychosociaux à n’importe quel projet de réorganisation, surtout post-covid.
La présence d’un psychologue expert, pluridisciplinaire, directement sur site durant la restructuration est un excellent moyen pour limiter son impact sur la santé des collaborateurs
Camy Puech, CEO Qualisocial
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